Ernst Kreidolf – un peintre aux multiples facettes

L’exposition sort des sentiers battus de par son approche peu courante, présentant l’artiste et son œuvre dans un contexte plus large. Le nom de l’exposition Ernst Kreidolf et ses amis peintres, donne le ton. Ainsi, l’intérêt se porte d’abord sur la ville qui fut le port d’attache de Kreidolf pendant de longues années : Munich, alors la ville d’art par excellence. Kreidolf y vécut de 1887 à 1889, et à nouveau de 1895 à 1919. Au tournant du siècle, Munich fut une capitale de l’art qui jouit d’une renommée mondiale et attira, entre autres, de nombreux artistes suisses. Le sentiment d’appartenance à une seule et même communauté donna naissance à un cercle hélvétique très vivant qui permit un échange intense, au-delà même des divergences de style et d’objectif artistique. Les artistes s’offraient et se dédicaçaient mutuellement leurs œuvres et s’intéressaient aux mêmes sujets, qu’ils traitaient cependant chacun d’une manière si différente que les affinités n’apparaissent souvent qu’au deuxième regard.

Ernst Kreidolf compta alors parmi ses amis des artistes célèbres tels que Albert Welti, qui resta son ami proche jusqu’à la mort prématurée de ce dernier, mais aussi Cuno Amiet et Paul Klee. D’autres noms, moins connus aujourd’hui, feront également partie de la rétrospective, tels que Wilhelm Balmer et Eduard Zimmermann, ainsi que les partenaires de Kreidolf dans le cadre du projet de livre pour enfants Buntscheck, les peintres Konrad Ferdinand Edmund von Freyhold, Karl Hofer et Emil Rudolf Weiss. Gustav Gamper et Hermann Hesse vinrent s’y ajouter plus tard  – lors d’une excursion artistique commune, Kreidolf introduit le grand écrivain à l’art de l’aquarelle.

Ses amitiés artistiques eurent sans doute une influence non négligeable sur le peintre et dessinateur Ernst Kreidolf. Un examen plus approfondi du développement de son œuvre révèle le dialogue conceptuel et artistique du peintre avec ses maîtres, en premier lieu Arnold Böcklin, et fait également apparaître certaines affinités avec l’œuvre de l’ami Albert Welti. Il en ressort clairement que les tableaux de Kreidolf – et c’est ici que le lien avec ses livres pour enfants est le plus évident – trouvent leur origine dans le monde des contes et des rêves et touchent en même temps aux thèmes les plus anciens de l’humanité.  Ce qui, à première vue, peut paraître post-romantique et démodé, s’avère être en réalité un voyage intérieur, qui plonge jusqu’au plus profond de l’inconscient et qui, d’une voix discrète mais non moins insistante, remet en question les certitudes de notre monde. C’était ce même style de création artistique qui a préparé le terrain à un art véritablement nouveau et qui fut d’une grande importance dans l’avènement du surréalisme.

L’objectif de l’exposition est de remettre l’œuvre d’Ernst Kreidolf dans un contexte plus large afin de le voir, de l’apprécier autrement. Cette approche a également présidé à la sélection des œuvres, qui vise avant tout à faire apparaître les relations entre les artistes mentionnés ci-dessus ainsi que les correspondances artistiques, et ne prétend donc nullement offrir une rétrospective complète de l’œuvre de Kreidolf. L’exposition ne se limite pas seulement à présenter Ernst Kreidolf, le peintre et dessinateur aux multiples facettes, ses sources artistiques et les liens étroits avec les artistes et écrivains de son temps, mais elle brosse aussi un tableau très vivant d’une génération en pleine mutation, en route vers de nouveaux horizons.
Commissaire de l’exposition est Dr. Barbara Stark, directrice de la Städtische Wessenberg-Galerie à Constance, qui accueillera l’exposition du 27 janvier au 8 avril  2007.